Je me suis levée à l’aube aujourd’hui, car j’ai rendez-vous à l’autre bout de la France pour mener une enquête. Me voilà en mode inspectrice, façon Columbo, ma mission étant d’aller démasquer ce qui se cache derrière des mots déposés chez la directrice des ressources humaines et transmis au directeur général. Mots pour maux, que sont le « harcèlement moral, sexisme et racisme ».
Le directeur général m’a demandé de libérer la parole dans ses équipes et de mettre à jour la vérité ; celle qu’il est alors bien loin d’imaginer. Je démarre ma première journée d’une longue série en écoutant et en interrogeant une quinzaine de personnes concernées : les femmes nommées « victimes », des témoins, ainsi qu’un homme membre du comité de direction et identifié comme « coupable ».
Mes premiers pas dans cette entreprise sont les plus importants : ils permettent de créer du lien et d’instaurer la confiance afin que les cœurs puissent s’ouvrir et les langues se délier. Ceci dans un climat de peur et de suspicion. En étant mandatée par le directeur général, ce qu’ils savent tous parfaitement.
Que vont-elles oser dire ? Et lui, cet homme désigné coupable, comment va-t-il expliquer ses agissements ? « Mais c’est pour rire ! C’est de l’humour, des blagues… Si on ne peut plus rire alors ! On n’a vraiment plus le droit de ne rien dire ! […] Et puis, ce n’est pas grave, j’étais juste énervé ce jour-là, c’est passé ! »
Trois mois sont passés. Le temps des rencontres, le temps de laisser infuser ces mots et les maux qui en découlent. Qui désormais prennent corps dans un rapport qui ne laisse aucune place au doute. Les preuves sont irréfutables. L’homme est mis à pied. Par un directeur général courageux. Justice est faite. La parole est libérée. Mais, malgré tout, rien de ce qui s’est passé ne peut être effacé.
« Que ta parole soit impeccable » est le premier accord toltèque, car nos mots jettent des sorts. Qui peuvent mener à la vie… ou à la mort. Une certaine forme de mort, dans ce cas.
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